Voici des textes issus d’un atelier d’écriture animé dans une classe de 5ème au collège international de Colomiers, près de Toulouse sur les thèmes croisés du portrait et de l’engagement à partir de mon livre Chico Mendes : »Non à la déforestation » (Ceux qui ont dit non, Actes Sud Junior).
Texte de Simon, 13 ans
Portrait d’un avocat des abeilles
Je pense à Alain. Chaque jour il revient à ses ruches. Déclenchant un tourbillon d’insectes affolés, il soulève le haut de la ruche. Il plonge sa main dans un mélange d’alvéoles et d’abeilles paniquées cherchant abri. Mais il sait comment les apaiser : de la paille enflammée placée dans une capsule dégage une fumée inoffensive qui fait comprendre aux butineuses qu’il leur veut du bien. Après que les petits démons sont calmés, il peut enfin commencer à inspecter le fin fond de la ruche. Après quelques secondes, il découvre le spectacle horrifiant qui apparaît là, dans un coin de la ruche : une vingtaine de cadavres ravagés, frais de quelques heures seulement. Sur l’abdomen d’un malheureuse, trois minuscules points oranges : le varroa, une tique d’abeille. Sur une autre, la moitié de la tête manque ; c’est la faute du frelon asiatique, ce cannibale, un tueur sans pitié. Mais la majeure partie des corps témoigne du fléau le plus meurtrier : les trois quarts d’entre eux sont déchirés par les herbicides utilisés dans le champ du voisin…
Tout a commencé lorsque, à l’âge de huit ans, il parcourait les prés pour voir son spectacle préféré. Chaque jour, à cinq heures, il s’asseyait dans un champ abandonné, là où les abeilles viennent butiner les pâquerettes. Il adorait ça. Mais un jour, en montant le pré, il réalisa que le bourdonnement habituel manquait. Quand il arriva au sommet, il comprit enfin que le champ était vide. Pas une seule abeille ne se montrait.
– C’est triste, non ? questionna une voix surgissant derrière Alain. Il se retourna et vit un homme en tenue d’apiculteur.
– Qu’est-ce qu’il leur est arrivé ? demanda-t-il.
– Mortes, toutes mortes !
Ces mot pénétrèrent Alain comme des poignards. Au bord des larmes il mâchouilla un mot :
– Comment ?…
– La faute aux herbicides ! Un agriculteur a acheté ces terres et les a recouvertes d’herbicides ce matin. Résultat, la moitié de la ruche est morte !
Pour la première fois de sa vie, Alain a ressenti une forte injustice qui grondait dans sa gorge. Depuis ce jour, il s’est promis de lutter contre les herbicides.
Malgré tout, le chemin n’a jamais été facile. Faire face aux herbicides, c’est faire face à la multinationale Monsanto… Une entreprise qui a survécu grâce à l’arnaque, au mensonge et au sacrifice de pauvres victimes. Plusieurs procès ont été intentés mais un seul a abouti. Monsanto paie facilement les meilleurs avocats, qui connaissent toutes les lois et sont capables de tourner les preuves contre vous. Alain n’a que son petit avocat, qu’il a du mal à payer. Les ennemis sont nombreux et les alliés disparaissent. Mais Alain a persévéré en créant une association contre la mortalité des abeilles. Malheureusement, certains agriculteurs sont prêts à tout pour leurs semences. Les gens se mettent un voile devant les yeux et font comme si de rien n’était ; ils s’habituent à l’exploitation tous azimuts de la nature et laissent tomber les courageux. Mais il ne faut jamais baisser les bras, de nouvelles bonnes volontés sont prêtes à apprendre, comprendre, lutter ! Le combat contre les pesticides est loin d’être fini.
Texte de Joséphine, 13 ans
Portrait d’Audrey
Je pense à Audrey dans son champ, comme tous les matins, avec ses outils devant des centaines de plantes, de fruits, de légumes. Voilà qu’une nouvelle journée s’annonce pour elle, qui prend soin de ces végétaux comme si c’étaient ses enfants. Elle en prend soin de façon naturelle, sans produits chimiques, sans machines, car ce n’est pas seulement à ses plantes qu’elle fait attention, mais aussi à la Terre. À notre planète qui, tous les jours, devient de plus en plus polluée. Audrey est passionnée par ses plantes , toutes présentent de l’intérêt à ses yeux, leurs couleurs, leur taille, leur goût, leur texture… Tout !
Cela fait des années qu’elle les cultive. D’abord elle prend un arrosoir et abreuve ses plantes ; ni trop d’eau, ni trop peu, juste assez pour qu’elles donnent les plus beaux fruits et légumes bio, tout simples mais délicieux. Après avoir arrosé, elle va s’asseoir au pied d’un arbre et regarde ; elle regarde son champ et se rappelle, en revenant dans son enfance, où et comment, mais surtout pourquoi tout cela a commencé.
Tout a commencé quand Audrey était une petite fille. Enfant, elle a grandi au beau milieu du jardin qu’elle aidait son père à cultiver. Elle allait le voir pour lui dire que c’était l’heure d’arroser les plantes avant que la nuit ne soit tombée, afin de ne pas marcher dessus. Son père lui a appris comment en prendre soin, comment savoir si elles étaient infectées… Tandis que sa mère lui apprenait à les cuisiner pour faire des gâteaux, des soupes… Audrey a eu peu à peu l’intuition que c’est cela qu’elle ferait elle aussi, plus tard, quand elle serait adulte ; elle le sentait, c’était sa passion, quelque chose qu’elle voulait continuer à faire. Et c’est ce qui est arrivé. Devenue adulte, elle a décidé de quitter sa ferme, son pays, ses parents, ses terres, pour cultiver ailleurs d’autres plantes. Elle a choisi de le faire en France. Audrey s’est installée à Maureville, à quatre kilomètres du village, pour cultiver un demi-hectare. Cela fait maintenant huit ans qu’elle cultive toute seule, produisant de magnifiques végétaux.
Certes, Audrey a rencontré des difficultés. Depuis qu’elle a cessé d’utiliser ses grosses machines car cela abîmait ses petites plantes innocentes, la tâche a été encore plus rude. Surtout que sa terre contient de l’argile, alors ce n’est pas facile de la cultiver, elle devient extrêmement dure à travailler lorsqu’il fait chaud, dure comme de la pierre. Et lorsqu’il vient juste de pleuvoir et qu’elle devient toute lisse et gadoueuse, alors là, c’est la guerre ! Pour Audrey qui essaie de marcher dans la boue toute collante, comme si l’argile voulait garder sa trace, le labeur est pénible et interminable. La météo ne s’entend pas toujours bien avec elle. Audrey a aussi trois adorables enfants qui, à tout moment, peuvent se transformer en affreux petits monstres ! Mais il faut bien s’occuper de leurs activités, de leurs loisirs. Or son champ a besoin d’autant d’attention qu’un bébé… Alors autant dire que la journée est loin d’être terminée lorsqu’Audrey rentre à la maison ! Difficile de trouver la bonne organisation et le juste équilibre entre son petit monde et ses propres loisirs !
Audrey fait de son mieux ; souvent cela marche et parfois cela échoue. Si elle n’y arrive pas, elle demande à un de ses amis de l’aider. Mais ce ne sont pas les problèmes de machines ou de météo qui l’embêtent le plus, non ; ce sont les contrôleurs fiscaux, ces personnes sans cœur, qu’elles déteste le plus (on peut même dire que ce sont ses meilleurs ennemis) ! Combien de fois ils sont venus lui dire qu’elle devait payer des taxes sous peine de perdre son champ ! Mais Audrey ne baisse pas les bras et ne les baissera jamais, car ce que ces maudits contrôleurs ne voient pas, c’est sa motivation : ce qui la motive, c’est l’amour de la nature et le désir de la sauver à tout prix !
Texte de William, 13 ans
Portrait de Jean-Louis
Je pense à Jean-Louis. Il est devant la mairie de Saint-Maur-des-Fossés. Aujourd’hui il présente son idée : arrêter d’utiliser les produits phytosanitaires. Il commence son discours : « Mesdames et Messieurs, annonce-t-il fièrement, si aujourd’hui je vous parle, c’est parce que pendant ces cinq dernières années, le taux de cancers a drastiquement augmenté ! Les produits phytosanitaires en sont la cause ! ». Cet homme est engagé depuis une dizaines d’années dans la lutte contre ces produits. Par le biais de son travail (architecte paysagiste) il arrive à convaincre sa mairie, sa commune, d’arrêter d’utiliser ces produits dévastateurs pour l’homme, la nature et l’écosystème qui l’entoure.
Tout a commencé quand Jean-Louis était très jeune. Il traversait la campagne et il est passé devant une affiche avec écrit « compagnonnage ». Un sentiment de curiosité s’est emparé de lui. Il s’est arrêté pour demander au propriétaire la signification du mot « compagnonnage ». Ce dernier lui a expliqué que c’était le fait de regrouper plusieurs espèces de plantes pour qu’elles se protègent mutuellement ; malheureusement, cette pratique ne constitue que 4% des méthodes de culture en France. Jean-Louis, depuis se jour, s’est fixé l’objectif de trouver de nouvelles combinaisons de plantes et de généraliser cette technique agronomique à l’ensemble du territoire français. Pour lui c’est un devoir.
Néanmoins, la route a été longue pour Jean-Louis. Il y a quelques années, un groupe de citoyens énervés est entré dans son bureau en l’accusant d’avoir empêché la Mairie d’utiliser des produits phytosanitaires, et donc d’avoir laissé les mauvaises herbes envahir les trottoirs . Il leur a simplement répondu qu’elles pousseraient là où elles devaient pousser et qu’on emploierait le désherbage thermique. Suite à cet événement, Jean-Louis a perdu beaucoup de popularité, de sources de financement et de soutien, car les fausses rumeurs fausses se propagent étonnamment vite.
Mais, pour lui, cela n’est qu’un petit rocher parmi des centaines de plus grands, qu’il doit gravir pour atteindre sont but ultime, l’arrêt des produit phytosanitaires à l’échelle mondiale.