Le génocide des Tutsi

Avril 1994, ma vie professionnelle commence avec le déclenchement du génocide des Tutsi au Rwanda. Étudiante en journalisme à Lille, je suis en stage dans une rédaction parisienne quand, à des milliers de kilomètres de la France, au cœur de l’Afrique des Grands Lacs, l’avion du président rwandais est abattu. Cet attentat marque le coup d’envoi de tueries qui dureront pendant trois mois. Trois mois d’exécutions, de lynchages, de chasse à l’homme. Un génocide. Près d’un million de morts.

Pendant des semaines, je suis, jour après jour, ce qui se passe au Rwanda.

Je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas arrêter les tueurs. Je ne comprends pas pourquoi, près de cinquante ans après la deuxième Guerre mondiale et la Shoah, on laisse faire.

Août 1994. Journaliste diplômée, je travaille comme reporter à Paris. Je me porte volontaire pour partir avec « Reporters sans frontières » à Goma, au Zaïre (ex République démocratique du Congo) où des milliers de réfugiés rwandais ont fui. Pendant plusieurs semaines, je travaille pour la radio des camps de réfugiés que cette ONG a créée.

J’ai 23 ans et cette expérience me tatoue à vie. Rien de ce qui se passe dans cette région du monde ne me sera plus jamais indifférent. Le 6 avril, date qui marque le début du génocide des Tutsis, n’est plus une date comme une autre pour moi.

En 2008, paraît mon roman « Bienvenue à Goma« , l’histoire d’Elsa, une apprentie photoreporter, inspirée de mon séjour passé au Zaïre. À travers ce livre, je m’interroge notamment sur le rôle joué par les Nations Unies et les puissances internationales, les ONG et la France au Rwanda, la colonisation et le métier de journaliste. Ce roman reçoit le Prix Amerigo Vespucci Jeunesse au Festival international de géographie de Saint-Dié.

En 2012, je commence à travailler à une adaptation de mon roman pour le cinéma. D’une formation à la Fémis en passant par une bourse Beaumarchais-Sacd en passant par les ateliers du Torino Film Lab, en Italie, au Danemark et en France, j’écris un scénario, « Elsa à Goma » qui convainc le réalisateur Laurent Herbiet. Reste encore à intéresser un producteur pour en faire un film.

Avril 2014, vingt ans après le génocide, j’écris « La mémoire en blanc« , un thriller qui évoque la mémoire du génocide dans la tête et le corps d’une jeune Française qui ignore tout de son passé, de sa généalogie.

Un génocide est un crime contre l’humanité imprescriptible. Au Rwanda, il a consisté en l’élimination d’une partie de la population, les Tutsi, décidée, organisée et exécutée par un gouvernement extrémiste. Ce gouvernement a été soutenu (on l’a documenté maintenant) par la France avant, pendant et après le génocide. En 2021, la commission Duclert, réunissant des chercheurs sur le Rwanda, a conclu à « un ensemble de responsabilités, lourdes et accablantes », au sein de l’État français.

Dans Murambi, le livre des ossements, l’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop, écrit : « Ce qui est arrivé au Rwanda est, que cela vous plaise ou non, un moment de l’histoire de France au XXème siècle. » 

Depuis 2008, je rencontre régulièrement des classes de collège, lycée d’enseignement général et professionnel pour témoigner de mon expérience, parler de la réalité du génocide des Tutsi au Rwanda et échanger avec les jeunes générations sur ce qui est, pour moi, un chapitre de l’Histoire de France.